Pourquoi les recruteurs n'aiment pas les outsiders (et comment capter leur attention si vous en êtes un)

Photo : Matheus Ferrero via Unsplash

Photo : Matheus Ferrero via Unsplash

Agacée, Delphine me raconte son dernier coup de fil avec un chasseur de têtes : encore un job taillé pour elle dans une entreprise respectée de son secteur. Elle a conscience d’être la candidate idéale et d’ailleurs le chasseur lui a déroulé le tapis rouge.

Il y a 6 mois encore, elle se serait sentie flattée — aujourd’hui c’est la frustration qui domine.

Parce que ce chasseur lui propose une fois de plus un poste de Directrice commerciale dans le secteur de l’emballage qu’elle connait par coeur alors que Delphine cherche à passer dans un secteur plus moderne, comme les cosmétiques : une grande référence internationale du domaine serait séduisante (elle les connaît bien, elle en compte plusieurs parmi ses clients) ; une jeune entreprise orientée sur le bio et les millenials plus encore.

Elle se sent pleine d’appétit pour le changement qu’elle envisage et plusieurs autres secteurs l’intéressent. Elle a peaufiné son CV, fait la tournée des chasseurs, parlé de son projet dans son réseau...

Tout ça pour décrocher quelques rendez-vous réseau poussifs : soit le courant n’est pas bien passé, soit les projets n’étaient pas mûrs pour recruter un calibre comme le sien. Et pour finir, deux entretiens de recrutement... expédiés par des recruteurs bougons voire distraits : elle n’a même pas eu le temps de parler de sa motivation ou de poser des questions sur le poste ! Aucun des deux n’a donné suite. Quelle déception !

Delphine a conscience de sa valeur et notamment de ses talents commerciaux après 14 ans dans une entreprise reconnue où elle a fait des étincelles. Elle est sûre qu’avec ses facilités d’adaptation et d'apprentissage et son appétit de changement, elle réussirait très bien dans les postes qu’elle vise.

Alors pourquoi ça ne marche pas ? “Les recruteurs sont super frileux, ils ne s’intéressent qu’aux profils copié-collé qui font déjà le même job dans le même type de boîte, voilà ce qui ne marche pas !” me lance Delphine.

Comme beaucoup de salariés talentueux qui ont su se faire une belle place au sein de leur entreprise, elle a finalement peu de contact avec le marché du recrutement. Elle ne s’en rend pas compte car elle est sans cesse en lien avec des clients et des partenaires et que le networking fait partie de ses compétences professionnelles : elle se sent branchée sur l’extérieur.

Elle imagine que le recruteur cherche d’excellents candidats et forte de son pedigree et de son succès professionnel, elle se sent légitime pour être prise en compte comme une candidate sérieuse sur des postes similaires dans un secteur en lien avec celui dont elle vient. Logique, non ? Pourtant, ça n’a pas l’air de fonctionner...

Mais qu’est ce qui cloche ?

Pour aider Delphine à bâtir une stratégie plus efficace et gratifiante, je commence par lui raconter ce qui se passe dans la tête du recruteur… et ce qui est compliqué pour lui :

  • PROBLÈME — Il a un problème très précis à régler, par exemple : il cherche un bon directeur commercial de toute urgence car l’entreprise vit une crise de croissance et vient de perdre coup sur coup deux belles opportunités de diffusion. Ou bien le candidat retenu a pris le job… et a rompu sa période d’essai au bout de 4 jours car il avait trouvé mieux ailleurs — ce qui en plus de poser des problèmes d’organisation à notre recruteur lui a valu des mots avec la grande boss et donné des angoisses sur son cas personnel.

  • URGENCE — Il a un délai en tête, pas seulement pour trouver la bonne personne mais aussi pour que celle-ci soit opérationnelle et qu’en fin de compte, le chiffre d’affaires retrouve la croissance attendue.

  • ENJEU INTERNE — En prime, il a besoin de quelqu’un qui s’entende bien avec la directrice marketing, créative et chatouilleuse, et la fondatrice qui a, hum, un fort tempérament. En résumé, il n’a pas droit à l’erreur.

  • SOLUTIONS MULTIPLES — Il recherche sa perle rare… dans un océan de possibles : solutions dans son réseau, tracking de profils sur LinkedIn, base de données de candidatures spontanées, chasseurs de têtes… et peut-être déjà des montagnes de profils à analyser ou faire trier.

  • SÉDUIRE — Une fois sourcé le meilleur candidat, encore faut-il le séduire !

Un peu comme Delphine qui cherche la “bonne entreprise” pour elle, celle qui va lui redonner des ailes, notre recruteur cherche le “bon candidat”, pertinent et motivant !

Sauf que Delphine a soif de changement. Alors que vu l’urgence de sa démarche, notre recruteur, lui, cherche du connu, du sûr, du fiable.

Il est d’abord dans une démarche d’élimination de tous les candidats qui ne conviennent pas… avant de se mettre en mode “sélection” lors des entretiens finaux. Dans cette première phase, oui, ses préjugés, ou plutôt ses “biais émotionnels” fonctionnent à plein régime.

Comme pour nous tous lorsque nous prenons une décision difficile. Par exemple, nous faisons confiance en priorité aux personnes faisant partie du même groupe que nous, nous nous basons sur certains stéréotypes et sur le rejet de l'inconnu pour prendre une décision rapide et sûre.

Pour un recruteur du secteur compétitif des cosmétiques, Delphine est une outsider : une candidate sympathique et talentueuse dans l’absolu mais qui ne présente pas toutes les garanties d’intégration et de réussite rapide dans le poste qu’il cherche à pourvoir. Par exemple, de son point de vue, elle ne connait le secteur des cosmétiques que de loin.

Avec sa manière affirmée de parler d’elle et de son entreprise actuelle, elle est peut-être même “too much” pour une jeune entreprise en croissance. Au suivant !

Pourtant rien n’est perdu !

Si comme Delphine vous ressentez frustration ou découragement, si vous pensez que votre profil n’intéresse pas les recruteurs ou qu’ils ne laisseront pas de chance à un profil un poil décalé, voici comment faire.

Comment devenir un insider

Comment rentrer dans la sphère de ce recruteur ?

En gros, voici ce que nous aimerions qu’il se passe pour lui :

  1. Vous devenez visible à ses yeux ! Vous avez capté son attention. Il a envie de vous rencontrer.

  2. Vos compétences, expériences, expertises et votre savoir-être répondent exactement à son problème et aux difficultés du poste.

  3. A vous lire et vous écouter, vos point forts s’ancrent dans son esprit : vous êtes un candidat solide.

  4. D’ailleurs, avec vous, il se sent en terrain familier, il se sent bien.

Aussi, voici ce vers quoi nous tendons :

Première étape : Décider à qui vous avez envie de vous adresser

Votre objectif n’est pas de convaincre n’importe quel recruteur que vous pouvez occuper n’importe quel poste ! #missionimpossible 😅

Choisissez au contraire le cercle de recruteurs bien identifiés avec lesquels vous aimeriez travailler.

En ciblant votre recherche de manière précise sur ce groupe, votre “recruteur idéal”, vous pourrez :

  • Les connaître mieux et plus vite (que si vous courez trois lièvres à la fois ou une cible très large)

  • Valider que votre projet est faisable (et comment lever les obstacles si besoin)

  • …vous assurer qu’il vous plait !

  • … et l’ajuster si besoin pour viser le segment précis sur lequel votre profil est le plus pertinent et/ou votre motivation la plus forte.

Cela vous semble difficile ? Vous ne vous projetez pas encore dans des postes ou secteurs précis ?

Alors prenez le temps de faire le point sur vous, vos compétences et vos envies, tout d‘abord.

Changer demande de l’énergie, c’est tellement plus facile et agréable quand on a confiance dans ses possibilités et qu’on sait où on veut aller ! Bien vous connaître c’est aussi la première clé pour réussir votre argumentation.

Ensuite, identifier les postes et environnements précis qui vous conviennent. Vous pouvez vous renseigner sur votre ou vos cibles et valider projet en explorant les ressources du net, en assistant à des évènements professionnels, en lisant des livres…. Mais l’étape essentielle consiste à rencontrer des professionnels en utilisant le réseau !

Le réseau, la voie royale des outsiders !

C’est celle qui vous permet de l’observer, le connaître puis l’approcher.

  • Compléter ce que vous savez de lui avec des témoignages de première main : ceux qui travaillent justement à son contact, dans son secteur, son métier, son entreprise.

  • Comprendre parfaitement son problème et les difficultés du job.

  • Le rencontrer et l’intéresser alors qu’il n’aurait pas été spontanément attirés par votre profil.

Le candidat idéal, c’est vous

Mais avant cette phase ultime de rencontre, voici ce que vous aurez récolté et travaillé en chemin.

  • Vous aurez acquis le bon langage, le bon look, les repères de l’industrie et/ou du métier, en un mot : les codes !

  • Vous aurez bâti l’argumentation sur-mesure qui va le convaincre que vous êtes la bonne personne pour le job. Cela se verra au premier coup d’oeil sur votre CV et vous permettra de décrocher plus de contacts via votre profil LinkedIn.

  • Vous saurez le convaincre par des exemples, des faits, des histoires — formulés dans sa langue à lui (c’est l’estocade finale).

  • Mine de rien, vous vous serez entraîné au passage si bien que vous aurez gagné en aisance en entretien de recrutement !

Vaste programme ?

Pas forcément ! Inscrivez-vous à ma newsletter du lundi ci-dessous : chaque semaine, je vous enverrai des idées et des bonnes ondes pour simplifier votre démarche.

Marine Griot